Une grande vedette de la police montée aux Jeux paralympiques de Paris

C.-B.

2024-08-29 11:06 HAP

Le chemin parcouru par la gendarme de la GRC Jen McCreesh pour se rendre aux Jeux paralympiques de 2024 a été tout sauf ordinaire.

L’agente de Smithers se présente comme « Jen le flamand-rouge-géant », en raison de son mètre quatre-vingt-six, de sa longue chevelure rousse et du fait qu’elle est amputée de la partie inférieure d’une de ses jambes. Elle est bien connue de sa collectivité et de l’ensemble de la police pour son attitude positive et son sens de l’humour, même lorsque les blagues sont à ses propres dépens. La gendarme McCreesh ne se contente pas de l’ordinaire, mais incarne plutôt l’extraordinaire.

Neuf mois après le début de sa carrière de plus de 15 ans au sein de la GRC, elle a été blessée à la jambe lors d’une arrestation en 2009. Après avoir reçu un diagnostic erroné de « simple entorse », elle a continué à travailler et à courir avec ce qui s’est avéré être plus tard une fracture du pied, des tendons déchirés et des ligaments sectionnés. Il a fallu trois mois pour découvrir l’étendue de la blessure et, une fois que ce fut fait, les dommages étaient si importants que la gendarme a dû subir une opération de reconstruction majeure. Des complications liées à la douleur et une grave infection l’ont obligée à être hospitalisée pendant des semaines et à subir une multitude d’interventions jusqu’à ce que les médecins parviennent à maîtriser la situation.

Caporale Jessica MacLean de la GRC

Alors que pour certains, ce genre d’événement aurait mis un terme à leur carrière, la gendarme McCreesh affirme quant à elle qu’elle a pour philosophie de « ne jamais abandonner ». L’agente a poursuivi sa réadaptation avec la même détermination farouche dont elle fait preuve dans le règlement de chaque dossier. La gendarme McCreesh a pu reprendre le service actif neuf mois après l’intervention chirurgicale. Mais sa cheville n’a plus jamais été la même. Ce fut le début de dix longues années d’un cercle vicieux : blessure, intervention chirurgicale, retour au travail. Jusqu’à ce que, finalement, le médecin lui dise qu’il ne pensait pas qu’il lui serait possible de courir et de sauter à nouveau. Sachant qu’elle ne se contenterait jamais d’une vie sédentaire, elle a opté pour une solution plus définitive : elle a décidé de se faire amputer la partie inférieure de la jambe gauche.

« J’ai eu une blessure qui a changé ma vie », explique la gendarme McCreesh, qui s’est jointe à la GRC avec le rêve de devenir un jour membre des services cynophiles. « Ça a peut-être mis un terme à ma carrière dans les services cynophiles et changé ma vie pour toujours, mais ça n’a rien changé au fait que j’avais l’impression que j’étais faite pour rester dans la police. »

Bien que la gendarme McCreesh fasse preuve d’autodérision à propos d’elle-même, de sa blessure qui a changé sa vie et de son travail en tant que policière de première ligne avec une prothèse de jambe, elle admet qu’elle a ses propres batailles intérieures à mener. Elle a été diagnostiquée comme souffrant d’un trouble de stress post-traumatique en 2016 et suit un traitement depuis lors.

C’est là qu’intervient Bear, son chien de zoothérapie accrédité à l’échelle internationale. « C’est mon Câlinours. Ces chiens sont incroyables. Il peut sentir les changements hormonaux qui se produisent dans mon corps quand je suis troublée. Il peut le sentir et sentir la différence souvent avant même que je ne me rende compte que je suis en train de m’énerver », dit-elle à propos de son retriever de 32 kilos au pelage crème. Bear a été entraîné pour l’aider à composer avec son syndrome de stress post traumatique, ainsi qu’à accomplir certaines tâches de mobilité lorsqu’elle ne porte pas sa prothèse. Bear suit maintenant partout la gendarme McCreesh, qu’elle soit au travail ou en voyage à l’étranger pour pratiquer son sport, le volley-ball assis.

La gendarme Jen McCreesh avec son chien d’assistance Bear

La gendarme McCreesh est membre d’Équipe Canada, et participe à des compétitions de volley-ball assis. Contrairement à d’autres sports paralympiques pratiqués en position assise, le volley-ball assis ne se joue pas en fauteuil roulant ou avec l’aide d’un dispositif de mobilité, mais directement sur le sol. « J’aime appeler ça du boogie-bouge-tes-fesses », plaisante t elle. Les dimensions du terrain sont de six mètres de large sur dix mètres de long. Comme pour le volley-ball classique, il y a six personnes sur le terrain de chaque côté. Trois personnes au premier rang et les trois autres à l’arrière. « Ce sport demande une force incroyable au niveau du haut du corps et de la ceinture abdominale. Quand on touche le ballon, il faut que les fesses touchent le sol. »

Passionnée de volley-ball depuis l’école primaire, la gendarme McCreesh a continué à participer à des compétitions de volley-ball tout au long de ses études secondaires jusqu’à l’université. Elle raconte que, même après avoir commencé sa carrière à la GRC, elle a saisi toutes les occasions de jouer à ce sport : « J’y jouais en vacances, avec ma famille lors de barbecues dans ma cour, avec des groupes de loisirs dans mes petites villes; je jouais chaque fois que je le pouvais, juste parce que c’était amusant! »

La gendarme McCreesh avec son ballon de volley-ball

En tant que nouvelle amputée, elle n’était pas seulement exigeante envers elle-même, mais aussi envers les médecins et les physiothérapeutes qui s’occupaient d’elle. Frustrée par les pronostics incertains (pas les siens), elle a défié son équipe médicale en lui présentant un magazine Thrive qu’elle avait pris dans sa clinique de prothèses à Vancouver. En montrant la photo en première page d’une athlète paralympique avec un ballon de volley-ball à la main, elle a déclaré à son équipe médicale : « Je veux faire toutes ces choses », y compris faire du sport et reprendre son travail d’agente de police de première ligne. Relevant le défi lancé par la gendarme McCreesh, le spécialiste de la réadaptation qui s’occupe d’elle lui a répondu : « C’est Felicia, je la connais. Nous avons travaillé ensemble, et je peux vous la présenter si vous le voulez ».

En décembre 2021, la gendarme McCreesh s’est ainsi retrouvée à discuter avec Felicia Voss-Shafiq (l’athlète de la couverture du magazine Thrive) pendant un appel sur Skype. L’athlète lui a décrit le volley-ball assis avant de lui proposer de venir essayer de jouer lorsque la délégation de la Colombie Britannique d’Équipe Canada serait à proximité de Vancouver. Elles ont organisé une rencontre le jour de son prochain rendez vous médical en ville.

En janvier, la gendarme McCreesh s’est jointe aux filles de la Colombie-Britannique pour s’entraîner. Après des semaines d’entraînement quelques soirs par semaine, elle s’est rendu compte qu’elle était maintenant douée au volley-ball assis. Les années qu’elle a passées à jouer au volley-ball debout en compétition l’ont énormément aidée, de même que sa force physique et la longueur de ses bras.

En février 2022, l’entraîneuse a appelé la gendarme McCreesh pour l’inviter à un camp d’entraînement avec le reste de l’équipe. En tant qu’équipe nationale, l’équipe se compose de membres qui proviennent de partout au Canada (de six provinces différentes) et qui se rassemblent pour des camps d’entraînement mensuels ou des compétitions à Edmonton, en Alberta, où elle est officiellement établie. Le deuxième jour du camp, McCreesh a été approchée par l’entraîneuse qui lui a demandé si elle avait un passeport. Elle n’en avait pas, mais comme souvent dans sa vie, elle a surmonté l’obstacle et obtenu un passeport de dernière minute. Moins de deux semaines plus tard, elle s’est retrouvée à jouer avec l’équipe à Boston, et comme on dit, la suite, on la connaît.

« Je n’arrive toujours pas à croire que c’est réel », dit-elle. « J’ai eu beaucoup de chance que ça fonctionne. Mon détachement m’a encouragé à prendre des vacances pour ces compétitions. » Elle a passé des week-ends à s’entraîner avec l’équipe à Edmonton, où elle est établie, et a une entraîneuse locale à Smithers avec laquelle elle s’entraîne entre les camps et les compétitions.

La gendarme McCreesh est également entraîneuse personnelle certifiée, entraîneuse de crossfit de niveau 2 et nutritionniste sportive. Elle avait donc une assez bonne idée de ce qu’il fallait pour l’amener aux Jeux paralympiques.

Pour la gendarme McCreesh, il est encore difficile de croire qu’elle sera pour la première fois paralympienne. « Je me demande encore si c’est vraiment en train d’arriver. En tant que membre de la police montée, je peux établir des liens avec ma collectivité et maintenant je peux aussi le faire avec des collectivités internationales. J’avais l’impression que de faire partie de la GRC me permettait de représenter le Canada, et ça (être membre d’Équipe Canada), c’est d’un tout autre ordre », admet-elle. « Le fait que je puisse me promener dans un aéroport avec mon chandail d’Équipe Canada, et que les gens viennent me parler à cause de la feuille d’érable. Ils veulent connaître le sport et savoir ce que c’est vivre dans le nord du Canada. C’est assez spectaculaire », ajoute-t-elle.

La gendarme McCreesh aux Jeux paralympiques de Paris

La cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques de 2024 a lieu le 28 août à Paris, en France. Le 24 août, l’équipe entièrement féminine – trois entraîneuses, une responsable médicale, une cheffe d’équipe et une entraîneuse en force musculaire et en conditionnement physique – s’installera dans un premier temps dans le village paralympique pour s’entraîner et se préparer. Si vous souhaitez suivre la délégation d’Équipe Canada au volley-ball assis féminin sur la route qui mène au podium en quête d’une médaille, le compte Instagram sera régulièrement mis à jour avec l’horaire des parties, les dates et les liens vers les sites Web où les matchs peuvent être visionnés. @canadawsittingvb

La gendarme McCreesh reconnaît qu’elle ne pourrait pas poursuivre ce rêve sans le soutien et les encouragements de ses amis et de sa famille, y compris ceux des autres membres de son équipe. Elle admet humblement qu’elle a hésité à faire part du chemin qu’elle a parcouru pour se rendre là où elle est aujourd’hui. Cependant, elle a également mentionné qu’elle avait reçu de nombreux messages positifs de la part d’amis et d’inconnus, qui lui ont dit à quel point son histoire les avait inspirés.

Son mari arrivera vers la fin des Jeux paralympiques pour assister aux derniers jeux. « Il a été si merveilleux et si encourageant. Il reconnaît que ça a été un exutoire fantastique pour moi », explique t elle.

Tous deux sont membres de la GRC et travaillent à Smithers. Ils aiment beaucoup leur collectivité.

« J’ai toujours voulu être policière dans une petite ville où je pouvais me concentrer davantage sur la création de liens avec les gens, sur la sensibilisation par l’éducation. Je ne voulais pas être une personne sans nom et sans visage avec un insigne : je voulais que les gens puissent me voir comme quelqu’un qui ne travaille pas seulement dans cette collectivité, mais aussi comme quelqu’un qui en fait partie », souligne la gendarme McCreesh.

Suivez-nous :
Date de modification :